Mémoires Pauvreté et exclusion sociale au Québec- Communautés d’expression anglaise du Québec CHSSN juin 30, 2023 Mémoires Communauté Pauvreté et exclusion sociale au Québec- Communautés d’expression anglaise du Québec Le Réseau communautaire de santé et de services sociaux (RCSSS) soumet le mémoire suivant dans le but de contribuer à l’élaboration de la quatrième génération de mesures qui seront incluses dans le Plan d’action gouvernemental pour améliorer la situation des personnes et des familles vivant en situation de pauvreté et d’exclusion sociale au Québec. Les communautés de langue anglaise parmi les multiples visages de la pauvreté au Québec Selon le dernier recensement du Canada, les communautés d’expression anglaise du Québec se sont agrandies et comptent aujourd’hui 1 253 580 Québécois, soit 14,9 % de la population, mais le nombre ne fait pas toujours la force.[1] Les inégalités économiques et les disparités régionales continuent d’être des défis auxquels sont confrontés les organisations et les réseaux provinciaux et régionaux qui promeuvent les intérêts et le bien-être de la minorité d’expression anglaise du Québec. Dans le contexte actuel, le terme « minorité » n’a rien à voir avec une élite riche et soudée, sûre de sa capacité à prendre soin des siens. Il s’agit d’un groupe diversifié qui a une longue histoire au Québec et qui se caractérise par un nombre nettement croissant de personnes pauvres et vulnérables qui sont mises au défi de se mobiliser pour leur propre compte. Faible statut socio-économique persistant et exclusion sociale Selon les indicateurs standard du statut socio-économique (SSE), un déterminant social clé de la santé, la situation des personnes et des familles vulnérables au sein des communautés d’expression anglaise persiste depuis longtemps. Faible revenu Selon le recensement de 2021, 269 805 Québécois d’expression anglaise (15+) vivent avec un revenu annuel inférieur à 20 000 $. Cela représente 25,7 % de cette population, soit une proportion beaucoup plus élevée de personnes à faible revenu que celle observée dans la majorité francophone (19,9 %) partageant le même territoire. La proportion de hauts revenus (50 000 $ et plus) dans la population d’expression anglaise (34,1 %) est inférieure à celle observée dans la population francophone du Québec (38,5 %). Emploi précaire Selon le rapport 2023 de la Table ronde provinciale sur l’emploi (PERT), les anglophones sont plus susceptibles d’occuper un poste temporaire, de travailler moins de semaines en moyenne et de travailler à temps partiel que les francophones. Il s’agit là d’indicateurs clés de la précarité du marché du travail. Vivre sous le SFR (seuil de faible revenu) Le recensement de 2021 nous apprend que 12,1 % de la population d’expression anglaise du Québec vit sous le SFR, contre 7,1 % des francophones. L’écart le plus important entre les populations minoritaires et majoritaires sur le plan de cette mesure de la pauvreté est évident dans le groupe d’âge des 15-24 ans – une étape de la vie typiquement caractérisée par l’achèvement des études et l’entrée sur le marché du travail. Parmi les Québécois d’expression anglaise âgés de 15 à 24 ans, 19,4 % vivent sous le SFR, comparativement à 9,1 % des francophones du même âge. Cela signifie que les anglophones de ce groupe d’âge sont deux fois plus susceptibles que leurs homologues francophones de vivre sous le SFR. Lorsqu’on l’observe par région (territoire de la RTS), la proportion de la population d’expression anglaise vivant dans la pauvreté dans le Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal atteint 21,7 % et 21,2 % dans le Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal. Les personnes d’expression anglaise des régions de la Capitale-Nationale et de Chaudière-Appalaches sont plus de deux fois plus susceptibles que leurs voisins francophones d’avoir du mal à subvenir à leurs besoins essentiels Tant pour le groupe linguistique minoritaire que pour le groupe linguistique majoritaire vivant au Québec, la tendance à vivre sous le seuil de faible revenu a diminué entre 2016 et 2021. Toutefois, l’écart relatif entre les anglophones et les francophones en ce qui a trait à la tendance à vivre dans la pauvreté s’est creusé. En 2016, 18 % des anglophones vivaient sous le SFR, comparativement à 12 % des francophones. En 2021, 12 % des anglophones seront dans cette situation, contreseulement 7 % des francophones. Cela signifie qu’en termes relatifs, l’écart est plus important. Chômage Selon le recensement du Canada, le taux de chômage du Québec anglophone est passé de 8,9 % en 2016 à 10,9 % en 2021. Quant aux francophones, leur taux de chômage est resté constant à 6,9 % en 2016 et en 2021. Cela signifie que l’écart entre les taux de chômage a doublé, passant de 2 % à 4 % au cours de la période 2016-2021. Le taux de chômage des anglophones en 2021 est plus élevé dans toutes les régions du Québec que celui des francophones. Si l’on considère le groupe d’âge des 25-44 ans, qui correspond à la moitié la plus jeune de la population en âge de travailler, on constate que l’écart entre les anglophones et les francophones s’est creusé. En 2016, les anglophones de cette cohorte d’âge avaient un taux de 8,5 %, tandis que les francophones avaient un taux de 5,7 %. En 2021, il est de 9,8 % chez les anglophones âgés de 25 à 44 ans et de 5,2 % chez les francophones de cette cohorte d’âge. Il ne fait aucun doute qu’en 2023, cette inégalité aura un impact sur la santé et le bien-être des jeunes familles et des enfants avec lesquels le RCSSS et ses membres du réseau communautaire travaillent. Il est clair que cette jeune moitié de la population d’expression anglaise ne se porte pas aussi bien que ses aînés au même âge. Déclin intergénérationnel des niveaux d’intégration sociale et du sentiment d’appartenance Les jeunes et les jeunes parents d’expression anglaise d’aujourd’hui sont plus susceptibles que les jeunes d’hier d’être confrontés à un désavantage économique à long terme. La tendance passée des communautés minoritaires d’expression anglaise du Québec à déclarer des niveaux d’éducation plus élevés que la majorité a pratiquement disparu parmi les cohortes d’âge plus jeunes. Les effets des inégalités économiques persistantes sont sans aucun doute évidents dans des enquêtes telles que l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, qui révèle que « les jeunes anglophones (15‑24 ans) obtiennent de faibles résultats pour de nombreux indicateurs de santé mentale et émotionnelle par rapport à d’autres groupes d’âge au sein de leur communauté linguistique et par rapport aux francophones du même âge… les hommes obtiennent des résultats inférieurs à ceux des femmes pour de nombreux indicateurs… ». Il s’agit notamment de faibles scores sur les indicateurs d’intégration sociale, de sentiment d’appartenance, d’attachement émotionnel, de niveaux élevés de stress et d’anxiété, d’une faible estime de soi et de faibles scores sur le sentiment que les aptitudes et les compétences sont reconnues. Les barrières linguistiques et les facteurs socio-économiques sont des éléments clés à prendre en compte dans le cas de l’augmentation des taux d’anxiété et de dépression chez les personnes d’expression anglaise pendant le COVID. Pendant la pandémie, les niveaux élevés d’insécurité économique se sont traduits par une augmentation des pertes d’emploi, l’incapacité de répondre aux besoins de sécurité de base et une peur accrue liée à l’incertitude des perspectives d’emploi. L’impact de la crise sanitaire persiste aujourd’hui et se fera sentir pendant longtemps. La Dre Melissa Généreux, professeure à la Faculté de médecine et des services de santé de l’Université de Sherbrooke et conseillère à la Direction de santé publique, signale que, de façon constante, dans toutes les régions, certains groupes sociaux sont plus touchés que d’autres par la pandémie. Ces groupes à risque sont les adultes âgés de 18 à 24 ans, les personnes d’expression anglaise et les travailleurs de la santé. Selon la Dre Généreux, « dans notre étude, 37 % des adultes âgés de 18 à 24 ans ont signalé des symptômes d’anxiété ou de dépression au cours des deux semaines précédentes. Il est inquiétant de constater qu’une partie importante des jeunes ne va pas bien. Il est tout aussi frappant de constater que les anglophones sont deux fois plus susceptibles que les francophones de présenter des symptômes d’anxiété ou de dépression. » Un faible statut socio-économique tend à se manifester par un risque plus élevé de divers problèmes de santé et une probabilité plus faible de pouvoir faire face aux coûts associés au traitement médical. Notamment, le soutien en matière de santé mentale, en particulier le soutien en anglais, qui a un prix, est hors de portée de nombreuses personnes d’expression anglaise à risque. Ils dépendent des services sociaux et de santé publique, où le faible taux de professionnels de santé anglophones pose problème. Selon un sondage CROP/ RCSSS réalisé en 2023 à l’échelle de la province auprès de 4 318 anglophones, un pourcentage important d’anglophones n’est pas en mesure d’accéder à des services en anglais. Par exemple, 33 % des répondants au sondage n’ont pas été servis en anglais dans un CLSC ; 32 % n’ont pas été servis en anglais par Info Santé ou Info Social ; 27 % n’ont pas été servis en anglais à l’urgence d’un hôpital ou dans une clinique externe ; 19 % n’ont pas été servis en anglais à l’hôpital où ils ont passé la nuit ; 18 % n’ont pas été servis en anglais par le médecin qu’ils ont vu dans un cabinet privé ou une clinique et 16 % n’ont pas été servis en anglais par un professionnel de la santé pour un problème de santé mentale. Niveaux élevés de groupes vulnérables CEPE Groulx, pour le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE), souligne que les nouveaux immigrants et les personnes ayant des limitations physiques, comme les personnes âgées fragiles, font partie des groupes vulnérables à la persistance des faibles revenus et de l’exclusion sociale. Ces deux groupes constituent une part substantielle des communautés d’expression anglaise du Québec. Un tiers (33,6 %) des Québécois d’expression anglaise sont des immigrants. Ces chiffres sont beaucoup plus élevés que ceux de la majorité francophone du Québec, où les immigrants représentent 8,8 % de la population. Les immigrants, en particulier les nouveaux arrivants, se heurtent fréquemment à diverses barrières linguistiques et culturelles pour accéder au système de santé et de services sociaux du Québec. Dans la région de Montréal, réputée pour sa grande diversité ethnoculturelle, les personnes des minorités visibles d’expression anglaise vivant sous le seuil de faible revenu représentent un pourcentage alarmant de 37,7 % du groupe des minorités visibles d’expression anglaise. Selon le dernier recensement, le Québec compte 24 845 personnes âgées d’expression anglaise (65+) vivant sous le seuil de faible revenu. Ils représentent 13,5 % de la population âgée anglophone. La proportion de personnes âgées francophones du Québec dans cette même situation est de 9,2 %. Parmi tous les groupes d’âge, c’est chez les 65 ans et plus que le niveau de bilinguisme anglais/français est le plus faible. Recommandation Les données probantes tirées du Recensement du Canada de 2021 et analysées conformément aux définitions et aux priorités du Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) soulignent l’importance de reconnaître la langue comme un facteur dans l’identification des inégalités socioéconomiques au Québec. Le RCSSS recommande que les communautés d’expression anglaise du Québec soient rendues visibles parmi les nombreux visages de la pauvreté au Québec. Les communautés d’expression anglaise du Québec représentent 15 % de la population et comptent parmi les citoyens les plus vulnérables du Québec. Tout processus de planification et de mise en œuvre de mesures de lutte contre la pauvreté doit reconnaître la lutte des personnes et des familles qui résident dans ces communautés pour maintenir leur autosuffisance économique et s’intégrer en tant que citoyens à part entière de la société québécoise. Les efforts visant à prévenir les causes et à réduire l’impact de la pauvreté doivent tenir compte du fait que ces causes et cet impact varient au sein de la population québécoise en fonction de facteurs uniques tels que la région, la langue et l’âge. Lorsque les caractéristiques et le contexte spécifiques de la population cible – les pauvres et les exclus sociaux – ne sont pas pris en compte, le processus de prévention de la pauvreté risque de favoriser sa persistance. Le RCSSS recommande que la spécificité de la pauvreté et de l’exclusion sociale qui accompagne les communautés d’expression anglaise soit prise en compte dans le quatrième plan d’action du gouvernement du Québec. Nous espérons que cela constituera un pas en avant pour remédier à la sous-représentation évidente de ces communautés dans les programmes gouvernementaux actuels destinés à soutenir les personnes économiquement et socialement défavorisées du Québec. Référence(s) Université de Sherbrooke. Archives, Communiqué de presse, Septembre 2020. Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (2011). Groulx (auteur). Facteurs engendrant l’exclusion au Canada : Survol de la littérature multidisciplinaire. CHSSN / Réseau communautaire de santé et de services sociaux (2023). English-language Health and Social Services Access in Quebec. (Document seulement disponible en anglais) CHSSN / Réseau communautaire de santé et de services sociaux (2023). Rapport de données de base 2022-2023. Profils démographiques du Québec pour les communautés d’expression anglaise. CHSSN / Réseau communautaire de santé et de services sociaux (2015), Pocock (chercheure). Canadian Community Health Survey (2011-2012) Findings related to the Mental and Emotional Health of Quebec’s English-speaking Communities. (Document seulement disponible en anglais) Pocock et l’équipe du CHSSN / RCSSS Réseau communautaire de santé et de services sociaux. (Printemps 2016). Meeting the Challenge of Diversity in Health: The Networking and Partnership Approach of Quebec’s English-speaking Minority. Journal of Eastern Townships Studies (JETS), No.46. (Document seulement disponible en anglais) Table ronde provinciale sur l’emploi (PERT) (2023). Mise à jour du recensement 2021 : Une brève revue des dernières données sur l’emploi des Québécois d’expression anglaise du Québec. Partagez cette page Facebook Twitter LinkedIn Pinterest Email